Comment tester le marché allemand sans prendre trop de risques ? Comment éviter de multiplier les démarches administratives au départ ? Que faire lorsque vous concluez vos premières ventes ? Le choix d’une forme d’implantation résulte d’un arbitrage entre deux nécessités : celle de réduire les frais de et celle de « germaniser » son image afin de rassurer ses prospects. Si une présence virtuelle ou un bureau de liaison permettent de prospecter à moindre frais, la filiale (GmbH) est une solution très avantageuse aussitôt que l’activité est
lancée.
Plusieurs solutions d’implantation s’offrent à vous, à choisir selon votre stade prospectif, l’avancée de votre business plan ou encore l’importance de votre investissement dans le temps. Nous vous présenterons ici brièvement quatre formes d’implantation possible, de la présence virtuelle à la filiale, avec identité juridique distincte.
C’est la première étape. Vous vous contentez de tester le marché depuis la France, sans aucune présence en Allemagne. Vous ne disposez d’aucune activité réelle en Allemagne, vous ne faites que prendre des contacts avec des clients potentiels, tout est géré depuis la France. Vous disposez éventuellement d’un secrétariat virtuel en Allemagne, qui transfère vos communications vers votre société.
Cette solution est la plus avantageuse financièrement et la plus souple au début d’une activité, quand vous ne réalisez pas de chiffre d’affaires. Tous les contrats éventuels sont conclus avec la structure française. Dans ce cas, veillez à la qualité de votre présence sur Internet. Prenez exemple sur vos concurrents et faites vous conseiller par un graphiste.
Indiquez une adresse et un numéro de téléphone fixe en Allemagne, même s’il est relié à un numéro de portable ou à un secrétariat virtuel germanophone. Vos prospects hésiteront moins à décrocher leur téléphone que s’il faut composer un numéro étranger.
Une fois convaincu de l’opportunité d’exporter en Allemagne, vous passez un contrat avec une personne qui travaille pour votre société dans le pays. Il peut s’agir d’un partenaire de distribution, qui organise la vente de vos produits en Allemagne. Vous pouvez aussi conclure un contrat d’indépendant avec un agent commercial qui représente vos produits, celui-ci travaillant en général en même temps pour d’autres entreprises. Vous pouvez enfin embaucher un commercial ou un VIE à plein temps, qui travaille depuis son domicile en Allemagne et ne dispose pas du pouvoir de représentation. Cette solution vous permet de prospecter le marché directement en conservant une organisation souple et relativement peu coûteuse. La présence d’un commercial sur place facilite la communication avec vos prospects et l’écoute du client. Il sera à même de rassurer le client quant au service après vente.
Notez qu’il n’est pas nécessaire d’avoir une structure juridique en Allemagne pour embaucher un salarié dans le pays, le contrat de travail peut être conclu entre la société française et le salarié basé en Allemagne. Voir sur ce point notre Précis technique et juridique au chapitre 6 (L’embauche d’un salarié en Allemagne).
Comme pour la présence virtuelle, tous les contrats sont conclus avec la société française. Celle-ci assure l’intégralité de la comptabilité, supporte tous les risques encourus par l’activité en Allemagne et conserve le pouvoir de représentation. Les bénéfices sont imposés en France.
« À partir du moment où votre agent réalise ses premières ventes, le fisc allemand peut considérer qu’il existe un établissement stable de fait. Ceci entraîne une imposition des revenus en Allemagne et l’obligation, pour la société, de tenir une comptabilité distincte de la société mère. Le risque existe d’être soumis à une double imposition et de ne recouvrer ses frais que difficilement. »
C’est une forme juridique hybride. Elle renforce votre crédibilité auprès du prospect allemand car elle est inscrite au registre du commerce. Elle peut avoir une dénomination et un dirigeant, mais n’a pas d’identité juridique propre. Elle permet de ne pas engager de frais de création d’une société (pas d’honoraires de notaire, pas de capital social à constituer). Attention cependant aux obligations qui s’accumulent dès lors que vous réalisez du chiffre d’affaires !
« La succursale permet de sonder le terrain allemand, mais c’est une solution qui doit rester temporaire. D’abord parce qu’elle engendre un travail administratif supplémentaire non négligeable. Comme elle est considérée fiscalement comme un établissement stable, elle requiert une comptabilité propre, et emporte des obligations et frais administratifs comparables à ceux engendrés par une filiale. Par ailleurs, la société mère se voit contrainte de documenter les frais de sa succursale dans un registre distinct afin de pouvoir les faire valoir auprès du fisc allemand. »
Lorsque vous commencez à réaliser des ventes et des bénéfices, il faut impérativement constituer une identité juridique afin de vous mettre en conformité avec le droit fiscal allemand. Demandez conseil à votre avocat ou votre conseiller fiscal.
La GmbH (Gesellschaft mit beschränkter Haftung – Société à responsabilité limitée) est à quelques détails près l’équivalent de la SARL française. C’est la forme juridique la plus adaptée à une activité de PME, même lorsque son chiffre d’affaires commence à être important. C’est la présence qui vous donnera la plus grande crédibilité auprès de vos prospects et clients.
Ne craignez pas la création d’une GmbH. Elle vous simplifiera considérablement la vie et vous évitera de coûteux désagréments à partir du moment où votre activité enregistrera ses premières ventes.
Elle permet aussi de réduire les coûts : vous ne payez la taxe commerciale que sur vos bénéfices, ce qui vous permet d’économiser sur vos charges. Vous profitez d’un taux d’impôt sur les sociétés de 15%. Vous bénéficiez également de la législation allemande sur les véhicules de société, qui prévoit une récupération totale de la TVA et un amortissement du véhicule.
Une GmbH conclut tous les contrats en son nom, établit les factures, dispose de sa propre comptabilité et supporte le risque. Elle dispose de sa propre comptabilité.
Le capital social d’une GmbH est toujours de 25 000 euros, dont vous devez virer au moins la moitié sur le compte de la société au moment de sa création, soit 12 500 euros. Cette somme pourra servir immédiatement au financement du fonctionnement de la société. Il est possible de ne virer qu’un euro pour constituer une « UG » (Unternehmergesellschaft) ou « mini-GmbH » mais cette démarche n’est pas conseillée car vous risquez de mettre un doute sur votre crédibilité au moment où vous en
avez le plus besoin. Le droit allemand n’impose pas d’indiquer le montant du capital sur vos papiers officiels, contrairement à la France. Ce qui donne toute
son importance à la mention « GmbH »…
Un cabinet d’avocats ou de conseil fiscal peut prendre en charge les formalités de création de la société (acte notarial, inscription au registre du commerce, frais de
traduction, honoraires des avocats, etc.). Les frais sont fonction du capital social et s’élèvent entre 2 000 et 3 500 euros hors taxes. La tenue des comptes d’une GmbH impose par ailleurs des frais de conseiller fiscal. Ce coût varie entre 2 000 et 2 500 euros par an pour 100 000 euros de chiffre d’affaires. Vous trouverez dans notre Précis technique et juridique au chapitre 6 Les étapes de la création d’une GmbH.
Céline Koch, conseillère fiscale à Stuttgart au cabinet Daiber Partner et spécialisée dans l’accompagnement des entreprises françaises en Allemagne, martèle la nécessité de « s’armer » juridiquement dès le départ :
« C’est une erreur classique des petites entreprises françaises qui s’implantent en Allemagne : croire qu’elles peuvent facturer depuis la France leurs clients allemands en n’ayant en Allemagne qu’un bureau de liaison. Elles nous appellent en catastrophe parce qu’elles ont reçu un courrier du fisc leur demandant de rembourser la TVA non perçue et donc non levée, qui s’élève parfois à plusieurs milliers d’euros ! Nous devons alors régulariser la situation. Cela coûte à l’entreprise beaucoup plus cher que si elle avait créé une GmbH et mené une comptabilité indépendante de sa filiale depuis le départ. »
La GmbH est largement considérée par les spécialistes comme la structure la plus adaptée pour l’implantation d’une société française en Allemagne. D’autres formes de sociétés sont néanmoins envisageables : la société de personnes, la société anonyme, la société en commandite. Par souci de concision, nous ne les détaillerons pas ici. Pour plus de détails, consultez notre bibliographie ou demandez conseil à un avocat si vous pensez qu’un statut juridique particulier serait plus adapté à votre société.
Pour démarrer un courant d’affaires, une très bonne maîtrise de l’allemand est indispensable. Tous les consultants export sont unanimes sur ce point là. « Les Allemands apprécient beaucoup que l’on parle leur langue. La relation de confiance s’établit quand l’Allemand constate que l’on parle bien sa langue », explique un commercial. Au-delà, il faut que votre commercial ne soit pas désarçonné par un dialecte local. La Bavière, par exemple, riche région du sud-est de l’Allemagne, est particulièrement fière de conserver ses traditions, en particulier son dialecte. Si votre commercial n’est pas obligé de le parler, il faut au minimum que son oreille y soit sensibilisée. Des connaissances sur l’Allemagne et ses régions sont également souhaitées. Pour y arriver, rien de mieux que de… regarder la télévision régionale, très importante en Allemagne.
Ayez une adresse vérifiable, avec une adresse bien choisie. Ayez un numéro de téléphone FIXE et pas seulement un numéro de portable. Ayez une présence sur Internet en allemand. La présentation des sites Internet allemands répond à certaines règles précises : les informations sur la société doivent être clairement indiquées. Les mentions légales (Impressum) sont obligatoires (voir chapitre 6).
Attention également à la qualité graphique. Les logos pixellisés sont rédhibitoires ! Vous ne pouvez plus faire l’économie d’un site sérieux, la présence en ligne est un reflet de votre présence offline. L’onglet « contact » est un des premiers consultés, il doit renseigner votre lieu d’implantation et votre numéro de fixe en Allemagne.
Comme déjà évoqué, un prospect rechignera TOUJOURS à composer un numéro étranger par crainte de ne pas être compris, vous pourriez y perdre un prospect intéressé. Votre commercial doit parler un allemand courant, être équipé de cartes de visite et ne pas changer de façon intempestive.
Toute votre communication commerciale doit être traduite par un traducteur spécialisé, y compris votre site Internet. Vous ne vendrez rien avec une documentation en anglais. Et soignez la traduction ! Il n’y a rien de pire qu’une traduction mal faite, avec des fautes grossières ou des termes inappropriés. Elles donnent immédiatement l’impression d’un produit non fiable ou de mauvaise qualité.
Freddy Dreher, consultant export pour le marché allemand :
« Pour un Allemand, une promesse, un délai, une documentation sont aussi importants que le produit lui-même. »
N’attendez pas pour répondre à une demande de client. Si vous avez manqué un appel, rappelez aussitôt que possible. Donnez dans la journée à un prospect intéressé les informations qu’il demande, en particulier s’il s’agit d’un devis.
Une ancienne VIE raconte :
« J’ai appris à être très réactive en Allemagne. Ici on ne peut se permettre comme en France de faire traîner une demande deux ou trois jours. En Allemagne, il faut prendre les opportunités quand elles se présentent. En tant que challenger, on doit répondre immédiatement. »
Les salons professionnels (Messe) sont LA grande spécialité allemande. Ces grands rendez-vous des secteurs industriels ont une longue tradition dans le pays : depuis le XVIIIe siècle, ils permettent la rencontre entre clients et fournisseurs dans des espaces dédiés, d’immenses palais des congrès. L’Allemagne est aujourd’hui considérée comme le premier pays des salons. Ils se tiennent selon les cas annuellement ou tous les deux ou trois ans. L’IAA, le Salon automobile de Francfort, rassemble tous les deux ans un million de visiteurs. Le CeBit de Hanovre, grand salon de l’électronique, attire annuellement 850 000 visiteurs. Bauma, spécialisé dans les machines-outils, a lieu tous les trois ans à Munich et déplace 530 000 personnes. La Grüne Woche, l’équivalent du Salon français de l’agriculture, rassemble elle aussi à Berlin chaque année un demi-million de visiteurs.
Tous les salons n’ont pas cette importance, beaucoup de ces rendez-vous sont plus intimes et plus spécialisés, avec des frais de stand moins élevés. Renseignez-vous très précisément sur la tenue de ces rendez-vous auprès des fédérations représentant votre secteur d’activité et ciblez ceux où vous pourrez rencontrer ou revoir les prospects que vous visez.
Les conseils d’une VIE
pour rentabiliser sa présence sur un salon :
« Le premier signe à donner est le sourire. Il faut être avenant, être prêt à engager la conversation sans être intrusif ou insistant. C’est là que le fait d’être français peut se révéler un avantage. Mais à condition de maîtriser parfaitement son argumentaire technique. Bien entendu, il faut rendre visite à la concurrence, se connaître, voir ce qu’ils font et comment ils le font. On y glane aussi des informations précieuses pour répondre aux questions des clients. Les salons permettent de voir les tendances d’un secteur, les évolutions de la demande pour éventuellement adapter son offre aux besoins du moment. »
Votre commercial est celui qui a le meilleur rapport au marché. Il est indispensable de l’écouter et de prendre en compte ses remarques pour adapter votre produit aux attentes des clients.
François Gaillard, consultant :
« On descend dans le détail, sur le terrain, on fait des interviews, on va voir des clients, des distributeurs, on accompagne les commerciaux pendant plusieurs jours si l’entreprise a déjà de l’activité. Rapidement, on a une remontée terrain forte, on voit bien où sont les points d’achoppement. Il faut faire comprendre à la société qu’il est nécessaire de faire une adaptation complète de son offre. »
Nicolas, commercial terrain :
« Une des forces des Allemands est leur réactivité par rapport aux évolutions du marché. Ils attendent donc la même chose de leurs prestataires. On ne peut pas réussir en Allemagne sans être très à l’écoute de ses clients et prospects. »
Cécile Boutelet est journaliste freelance. Spécialiste de l’économie et des entreprises allemandes, elle est notamment correspondante pour le journal Le Monde depuis 2010. Sollicitée pour réaliser cet ouvrage, elle y a trouvé grand intérêt : elle-même a consacré ses premières années outre-Rhin à créer et développer une petite entreprise.
Illustrations : Katharina Bußhoff. www.katharinabusshoff.de
C’est ce qui vous paraîtra sans doute le plus difficile, car c’est souvent ce qui coince dans la démarche de PME françaises qui veulent exporter leur produit en Allemagne. La règle d’or de l’export outre-Rhin est d’adapter TOTALEMENT son offre à la demande du client. « Un Allemand n’a aucune tolérance envers des produits que vous voudriez «caser» en Allemagne pour faire des économies, explique Didier Lenhardt, commercial. Lorsque vous êtes responsable du marché allemand dans une entreprise française, vous êtes obligé de vendre deux fois. Une fois au client allemand et une fois en interne pour faire adapter le produit ! »
Acceptez tout simplement ce fait culturel sans vous décourager ni vous agacer. Prenez le temps d’adapter votre produit très exactement. Tous les consultants et commerciaux sont unanimes, le temps investi est payant.
Didier Lenhardt, commercial :
« À partir du moment où un Allemand voit que vous parlez sa langue, il est prêt à vous donner votre chance. Il vous dira volontiers : «Voici les caractéristiques de ce
que nous demandons en termes de produit. Nous vous laissons le temps qu’il faut, dites-nous quand vous êtes prêt.» Ce délai de préparation peut être de quelques semaines à plusieurs mois. Votre interlocuteur l’acceptera parfaitement. En revanche, quand vous dites que vous êtes prêt, il faut pouvoir livrer sans faute. C’est la raison pour laquelle il faut prévoir un stock tampon pour être prêt à répondre à n’importe quelle commande entrante. C’est là-dessus que se bâtira la confiance sur le long terme. »
Comme précisé plus haut dans le chapitre « échéancier », la phase initiale de deux ans est presque incompressible. Trop d’entreprises françaises échouent parce qu’elles ne respectent pas ce délai ou retirent leur confiance à un commercial alors qu’il est en train de transformer son travail prospectif.
Les Allemands ne sont pas impulsifs. La culture décisionnelle du pays repose sur le consensus et le long terme, surtout dans les PME familiales. Lorsqu’une entreprise décide de faire un investissement, elle va le planifier longtemps à l’avance, en général par cycle de deux ans.
C’est la raison pour laquelle un prospect peut mettre très longtemps à réagir à une offre, cela ne signifie pas qu’il n’est pas intéressé. Un délai peut s’expliquer par une décision prise en commun à l’intérieur de la société, par un décalage entre l’offre et l’état du cycle d’investissement ou encore par le temps de réflexion nécessaire pour éviter les risques liés à un nouveau fournisseur.
Nicolas, commercial, raconte :
« J’ai appris avec mes clients que si je passe un coup de fil entre avril et juin et qu’on me répond : «Nous avons un accord cadre sur toute l’année, à partir de telle date on pourra reprendre le contact», il faut en prendre note, patienter sans les harceler. Le jour J il faut rappeler, montrer qu’on est présent, qu’on aimerait bien rencontrer de nouveau l’entreprise. On obtient, là, des résultats. En France, les sociétés ont des tailles moyennes de 50, 100 salariés. En Allemagne, la société familiale a 300, 500 salariés, un management familial depuis plusieurs générations. Cela a forcément des conséquences en termes de temps de décision. »
Didier Lenhardt, commercial :
« Beaucoup de PME françaises se laissent décourager par la durée. Il faut avoir une situation financière correcte pour pouvoir investir le marché allemand parce qu’au début on investit. Dans la logique française, un commercial au bout de six mois a ramené des affaires significatives. En Allemagne, il faut accepter qu’il se passe un an sans aucun résultat visible. C’est cette fameuse période où cette confiance s’établit. »
Une ancienne VIE raconte :
« Une de mes grandes difficultés a été de convaincre mon entreprise que ce temps de prospection était normal. J’ai multiplié les exemples de PME autour de moi pour montrer que cette période est essentielle pour réussir sur le marché allemand. »
Si vous choisissez de vendre votre produit avec un commercial français germanophone ou avec un VIE
, voici les conseils à lui donner.
C’est une différence culturelle que les agences de recrutement peinent parfois à expliquer aux entreprises françaises. Ce qui est attendu d’un bon commercial est très différent en France et en Allemagne.
Susanne, chargée de recrutement pour Eurojob-Consulting :
« Les Français me disent souvent : «Comment cette personne va-t-elle réussir à faire cette prospection si elle est tellement renfermée sur elle-même ?» Ils ont l’impression que les commerciaux allemands sont froids, peu motivés parce qu’ils ne sont pas tout feu tout flamme. Ils s’imaginent mal comment les aspects commerciaux pourront fonctionner avec quelqu’un qui bouge à peine sur sa chaise. Mais il faut comprendre ! Un Allemand ne parle pas avec ses mains, il ne fait pas beaucoup de mimiques, il n’est pas «d’attaque» comme un Français au sang chaud. Lui met l’accent sur la technique, les chiffres, la précision. »
Didier Lenhardt, commercial :
« Les Allemands apprécient les gens qui tiennent parole, selon l’adage : Ein Mann, ein Wort (un homme, une parole). Il faut bien entendu avoir un bon relationnel, mais le commercial flamboyant, qui parle beaucoup, à la limite de l’esbroufe sera très mal perçu. Il vaut mieux parler peu mais bien, faire ce que l’on dit et dire ce que l’on fait. »
Un commercial :
« On peut avoir de la spontanéité. Par contre, il faut éviter le « blabla » et les promesses en l’air. Quand on promet quelque chose, qu’on s’engage, il faut absolument
s’y tenir. »
Une VIE
:
« J’ai appris à aller droit au but. En tant que Français, on croit toujours qu’il faut commencer par une introduction, parler d’autre chose avant d’arriver au sujet qui nous occupe. Les Allemands ne le comprennent pas, ils ont l’impression qu’on cherche à les embrouiller. Ils attendent qu’on soit très direct, qu’on réponde clairement aux questions, qu’on aborde les choses sans faire de ronds de jambe. Une fois qu’on a compris cela, on peut être très naturel. »
Un consultant :
« Il n’y a pas de «ja aber» (oui mais). C’est oui on non, c’est carré, les réponses doivent être précises. Quand on ne sait pas on le dit : «Désolé, je n’ai pas la réponse pour l’instant mais la semaine prochaine vous l’aurez.» Dès lors que l’on tient parole, tout va bien. La communication doit être explicite. Les Allemands sont
des mécaniciens, ils aiment les choses qui fonctionnent !»
Souvenez-vous qu’on ne séduit pas un Allemand, on le convainc. Apprenez à être extrêmement précis et concret dans votre argumentaire commercial. Vous devez maîtriser parfaitement les références techniques de votre dossier. Apprenez à sécuriser votre client, à lui offrir le maximum de garanties, notamment sur le service après-vente. Etayez votre discours par des preuves comme la ponctualité, la fiabilité de vos engagements et le sérieux de votre démarche.
Didier Lenhardt, commercial :
« Le bon commercial en Allemagne est une personnalité persévérante, opiniâtre, qui est dans la construction. Quelqu’un de très organisé et méthodique, assidu, qui ne lâche pas les pistes, qui est explicite, consistant et rigoureux dans sa communication. Le service après-vente et le dépannage sont quasiment aussi importants que l’acte de vente lui-même. Un bon commercial en Allemagne est quelqu’un qui aura une fibre de technico-commercial. Il sera attentif aux détails, très intéressé par le chiffre d’affaires mais il n’en fera pas une obsession non plus. Il faut savoir refuser une vente si on n’est pas sûr de pouvoir l’honorer. C’est une forme de rigueur qui est basée sur la construction et le respect de l’interlocuteur. »
Contrairement à ce qui se passe en France, une relation d’affaire exclut des remarques d’ordre privé, au moins dans un premier temps. Ces remarques mettent votre interlocuteur mal à l’aise, il peut avoir l’impression que vous cherchez à l’embourber. Ils ne jouent pas en faveur de votre crédibilité.
Yannick Henry-Befort, consultant :
« Une erreur classique est de croire qu’on peut garder en Allemagne cette habitude qu’ont les Français de détendre l’atmosphère dans un entretien professionnel en racontant des histoires, des anecdotes, des blagues. Cela ne se fait pas en Allemagne. On a un ordre du jour, des points à traiter. Ce qui prime n’est pas la relation personnelle qui est à développer mais l’objet de la réunion qui est au
centre de tout. »
Didier Lenhardt, commercial :
« Ce n’est qu’une fois que la relation d’affaires au quotidien a été éprouvée et se passe bien qu’on peut envisager d’approfondir une relation et d’évoquer sa vie
privée, de faire des traits d’humour. »
Les Allemands apprécient la créativité à la française. Moins l’impression chaotique qui semble y être liée. Pour éviter de tomber dans ce genre d’écueil, apprenez à respecter ce que les Allemands appellent des Prozesse (un Prozess), un mot proche de l’anglais workflow, qu’on peut traduire par procédure ou ordonnancement des tâches. C’est un ensemble d’étapes à respecter dans un certain cas de figure. Les décisions d’acheter, de produire ou d’investir se font suivant certaines procédures à respecter, selon un certain agenda. Cela peut sembler très rigoureux à certains Français au premier abord mais une fois intégré à votre démarche, le respect de ces façons de faire facilite grandement le travail. Les repérer vous permettra de gagner la confiance de vos interlocuteurs, à partir de laquelle vous pourrez exercer votre créativité pour vous démarquer de la concurrence.
Une ancienne VIE :
« J’ai appris en Allemagne à structurer mes façons de faire, c’est une rigueur que je n’avais pas en France. De la prise de contact à la commande sur papier, tout est
écrit, tout est réglé, tout est noir sur blanc. C’est rassurant de travailler comme ça aussi. On évite les mauvaises surprises. »
Un commercial terrain :
« En Allemagne, le papier fait foi. Il faut assurer ses arrières avec des écrits. Les Allemands sont très friands de démarches juridiques. Vous savez que quand vous ne payez pas votre facture sous trois jours, vous avez toujours un rappel, sous 10 jours vous avez un avertissement, il faut arriver à se mettre dans ce cadre-là. »